Bornes de recharge: Enedis s’invite dans les copropriétés.Bornes de recharge: Enedis s’invite dans les copropriétés.
12/06/2022
Un décret va être publié visant à multiplier la pose de bornes de recharge pour voitures électriques dans les copropriétés. Enedis, vient ainsi concurrencer l’activité des start-up spécialisées dans le domaine. Celles-ci redoutent une concurrence déloyale qui serait financée en partie avec l’aide du contribuable.
Après le droit à la prise, édicté en 2011, un autre droit vient autoriser tous les habitants d’une copropriétés à demander l’installation, à leur frais, d’une prise pour recharger leur voiture électrique. Il faut dire que le déploiement des bornes de recharge dans les résidences collectives est à la traîne. C’est paradoxal , alors que l’usage de la voiture électrique est fortement incité dans les grandes villes. Pour remédier au problème , l’État va passer à la vitesse supérieure. Un décret, va être publié , pour permettre au gestionnaire du réseau ’électricité, Enedis, d’intégrer les coûts des études et du raccordement dans le tarif d’acheminement de l’électricité (Turpe).
Un compteur Linky par borne.
Ce tarif d’utilisation du réseau public d’électricité, représente pour les particuliers environ 30 % de la facture d’électricité et permet ainsi à Enedis de couvrir les frais d’exploitation, de développement et d’entretien du réseau public.
Les membres de l’Association des opérateurs de recharge regroupant les principaux acteurs privés de la recharge de voitures électriques , sont évidemment hostiles à ce décret . L’association met en avant le coût important que représenterait une telle mesure pour le contribuable. Olivier Toggenburger, cofondateur de Park’n Plug déclare ainsi : «Le décret prévoit que, dans une résidence collective, le raccordement de la colonne horizontale, qui alimente les places de parking, par opposition à la colonne verticale qui dessert en électricité les appartements, sera à la charge de tous les Français». Ou du moins en partie. «Le décret indique que, dans le cadre de la colonne horizontale, un pourcentage des frais de raccordement sera préfinancé par Enedis qui aura pour rôle d’installer un compteur Linky à chaque place raccordée. L’utilisateur devra ensuite rembourser 60 % du raccordement, le reste étant déjà pris en charge par le Turpe. Nicolas Banchet, cofondateur de ZePlug estime que le coût est estimé entre 1,5 et 2,4 milliards d’euros, alors que les solutions proposées par les compagnies privées ne coûtent pas un centime d’argent public» . Et d’ajouter : « Dans notre système , nous mutualisons la recharge en raccordant les places à partir d’un compteur unique. Les travaux de raccordement sont réalisés à nos frais et nous nous rémunérons sur les abonnements, la gestion des recharges et les services connectés.» Autre grief de l’Afor: le décret prévoit d’imposer un prix plafond pour les raccordements. Pour l’instant, ce prix n’a pas encore été arrêté, mais les opérateurs craignent une concurrence déloyale due à des tarifs tirés vers le bas afin de séduire les copropriétés frileuses.
Manque d’informations
Pour l’Union française de l’électricité (UFE) , il y a urgence à se pencher sur le problème peu importe si les solutions de recharge sont gérées par un opérateur privé ou par un acteur public, parcequ’au final «85 % des recharges se font à domicile. Mathias Laffont, directeur usage et territoires à l’UFE rappelle que même si avec le droit à la prise, la France a été l’un des premiers pays européens à mettre en place une réglementation très favorable pour ce type d’habitation, en réalité, c’est plus compliqué . Mathilde Charmet-Ingold, avocate spécialisée en droit de l’énergie et en droit immobilier constate que « bien que les syndics sont de plus en plus sensibilisés sur la question , beaucoup de copropriétés n’ont ni les informations ni les budgets pour lancer des travaux de raccordement». Il existe 500 000 copropriétés en France, dont 150 000 disposent d’un parking et le coût du raccordement pour équiper 20 à 30 % des places de parking est estimé, selon l’importance des travaux entre 20 000 et 40 000 €, ce qui donne un marché global entre 3 et 6 milliards d’euros.
Pour les petites copropriétés
Mathias Laffont précise aussi : «Le marché est très important et les acteurs privés et Enedis ne sont pas concurrents mais complémentaires» . «Les besoins sont tellement importants qu’il y a vraiment de la place pour tout le monde, poursuit-il. Le copropriétaire reste libre de choisir son type de borne et son fournisseur d’électricité. En outre, les acteurs privés ont tendance à privilégier les copropriétés les plus rentables.» À savoir les grandes unités de plus d’une centaine d’habitants. Un constat que ne réfute pas Nicolas Banchet. Pour lui, l’État devrait notamment porter ses efforts sur les copropriétés avec des parkings extérieurs, qui représentent plus de la moitié du parc immobilier collectif et ne pas venir dépenser de l’argent public sur des opérations qui plus adaptées aux acteurs privés . «Généralement, ce sont des copropriétés de taille variable installées dans des zones moins denses, disposant de peu de moyens, constate Nicolas Banchet. L’installation des bornes est ici plus chère, car il faut prévoir des travaux de génie civil, des opérations plus coûteuses que de faire courir des câbles dans un parking souterrain.» Au-delà des problèmes de concurrence, il regrette surtout les conséquences non prévues d’un tel décret. «Des projets entiers sont gelés, repoussés à l’année prochaine, car les syndics attendent son application», déplore-t-il.
Un marché titanesque
Doit-on craindre une augmentation de la facture d’électricité pour tous les Français? L’État qui met la main à la poche pour aider les copropriétés à s’équiper en bornes , a créé en début d’année un organisme appelé Logivolt Territoires, une filiale de la Caisse des dépôts, qui prend en charge sous forme de crédit pendant quinze ans, les coûts des études et du raccordement dans les copropriétés. Certains opérateurs privés travaillent déjà avec cet organisme puisqu’une de ses missions est la mise en relation entre copropriétés et acteurs de la recharge. Le marché reste donc très ouvert, avec un potentiel de croissance important. Six à huit mille bornes sont en effet installées en copropriété contre environ cent mille en habitat individuel.
Concernant spécifiquement la colonne horizontale, Mathias Laffont se veut rassurant. «Les principaux postes de dépenses d’Enedis sont la modernisation du réseau et le raccordement du réseau global aux énergies nouvelles, rappelle-t-il. Le déploiement des colonnes horizontales sera une goutte d’eau.» D’autant que certains spécialistes du sujet se montrent dubitatifs sur la capacité d’Enedis d’installer tous les parkings de copropriétés de France.